< Autoradio, éditions Héros-Limite, 2019 >
«J’écoute beaucoup la radio et je suis
une fétichiste des voix. Ce livre aimerait établir avec la radio un
rapport analogique parce qu’il fonctionne et a été conçu comme un acte
de syntonisation dans la pensée et parce que ces pages ont été écrites
en faisant autre chose. J’ai pensé que la machine à écrire, à la fois
obsolète et en état de marche, pouvait m’aider à ralentir mon écriture, à
penser autrement les ratures et les ratés du texte et à écrire sans
intention précise, mais aussi à m’éloigner de la phrase comme centre de
l’écriture. Finalement, la machine à écrire a inauguré pour moi un
travail d’atelier au sein duquel je tente de capter des moments
de la pensée, saisir des superpositions entre des choses que je lis,
détourner le surplus de phrases lues quotidiennement, tailler dans le
brouhaha, prendre des notes qui seraient immédiatement des poèmes. La
machine à écrire, sa matérialité encombrante et son obsolescence, font
remonter à la surface de l’écriture un bain concret de fautes de
frappes, de phrases bricolées, d’hésitations, de trous et de lenteur.
Chaque page est une captation et chaque poème est un document.»
C.D.
Autoradio est une collection de poèmes-à-la-machine-à-écrire réalisés entre 2014 et 2019. En 2022, le musicien Sylvain Chauveau a conçu la pièce Quelque chose est en train d'arriver (mais quoi?) à partir de ce livre. On peut l'écouter ici +++ et l'entendre dans l'exposition Le plaisir du texte au Musée des beaux-arts du Locle (MBAL) jusqu'au 18 septembre 2023. A l'occasion de cette exposition Carla Demierre a réalisé une série d’affiches qui mélangent des poèmes publiés dans le livre Autoradio et des
travaux inédits à la machine à écrire.
« Que faut-il pour faire de la poésie, concrètement ? Il faut des lettres, et Carla Demierre, poétesse de la jeune garde
concrète nous livre « Autoradio » dont la couverture s’orne d’une
proposition gracieuse : « Voici des lettres ». Et ces lettres sont « l », « ir » et « e ». C’est parfait, d’emblée, on en fait ce que l’on veut. De page en page, on aborde un ensemble de lettres, de phonèmes et mêmes
de phrases, dactylographiées et positionnées de manières variées sur la
pages. Certains sont très blanches — quoique le papier soit crème, pour
être précis. On a presque envie d’y étaler quelques voiles d’aquarelle.
On le fera peut-être, si le Préfet maritime s’y décide. (Pour l’instant,
il se contente d’apprécier les petits bonheurs imprimés propagés par la
maison Héros-Limite, et il songe aux dactylogrammes de Maurice Roche
qui, il y a cinquante ans, traçait lui aussi des dessins de mots à la
machine à écrire. La roue tourne, les bonnes idées trouvent toujours à
se réactiver, comme les bons textes trouvent toujours leurs lectrices et
leurs lecteurs.
»
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